Anitya et l’Ashtanga : Accueillir le changement au cœur de la pratique.
L’impermanence, ou Anitya en sanskrit, est une notion philosophique centrale dans le yoga et le bouddhisme. Elle souligne la nature éphémère de toutes choses, du monde matériel aux émotions, pensées et même nos propres identités. Dans la pratique de l’Ashtanga Yoga, cette notion d’impermanence se reflète dans chaque respiration, chaque mouvement et chaque posture. La discipline de l’Ashtanga, répétitive et rigoureuse, nous fait découvrir les fluctuations de notre corps, de notre mental et de notre cœur, tout en nous préparant à accepter les changements inévitables de la vie. Cet article explore comment la pratique de l’Ashtanga nous aide à intégrer cette sagesse dans notre quotidien, en cultivant la résilience face à l’impermanence et en nous apprenant à accueillir les transformations avec sérénité.
Anitya : Comprendre l’impermanence
En sanskrit, Anitya signifie “ce qui n’est pas éternel” et désigne la nature transitoire de toutes choses. Dans la philosophie indienne, l’impermanence est un élément fondamental de la réalité. L’univers, nos relations, notre santé et même nos pensées sont soumis à un flux perpétuel de changement. Anitya nous invite à accepter ce caractère impermanent et à comprendre que rien ne reste figé.
Cette notion peut, au premier abord, créer de l’anxiété, car elle confronte notre désir naturel de stabilité et de sécurité. Pourtant, l’impermanence est aussi une source de libération. Elle nous rappelle que toute douleur, tout inconfort et tout attachement sont temporaires et peuvent être transcendés.
L’Ashtanga : Une pratique pour embrasser l’impermanence
L’Ashtanga Yoga est une méthode exigeante, composée d’une série de postures à répéter quotidiennement. Cette répétition crée un espace propice pour observer les fluctuations de notre corps et de notre esprit. Par exemple, ce que nous parvenons à accomplir un jour peut devenir difficile le lendemain. Un mental calme peut soudainement s’agiter sans raison apparente. La pratique devient un miroir qui nous montre la nature transitoire de nos capacités, de notre énergie et de nos humeurs.
L’impermanence dans le corps : Apprendre à écouter et respecter ses limites
Au fil des jours, notre corps change. Certains jours, nous sommes plus souples et dynamiques ; d’autres jours, la force et la souplesse peuvent nous manquer. Ces variations sont des manifestations directes d’Anitya. En Ashtanga, nous apprenons à accueillir ces changements physiques sans jugement. Le corps n’est pas un objet statique, mais un système en perpétuelle évolution, influencé par le repos, l’alimentation, les émotions, et bien d’autres facteurs.
Accepter l’impermanence du corps signifie aussi respecter ses limites. Au lieu de forcer pour atteindre une posture “parfaite”, l’Ashtanga encourage l’écoute de soi, l’acceptation de ce qui est et l’ajustement selon les capacités du moment. Ce lâcher-prise dans la pratique est une leçon qui peut nous libérer de la recherche de la perfection et de l’attachement à une image idéalisée de nous-mêmes.
Le souffle comme ancrage dans l’instant présent
La respiration, ou Pranayama, est un élément essentiel de l’Ashtanga. Chaque mouvement est synchronisé avec le souffle, créant une fluidité qui rappelle la nature impermanente de chaque moment. Le souffle lui-même est éphémère : il va et vient, en constante transformation. Lorsque nous prenons conscience de chaque inspiration et expiration, nous sommes ramenés dans l’instant présent, où toute perception d’Anitya devient tangible.
En observant cette respiration rythmée, nous apprenons à ne pas nous attacher à une pensée ou à une sensation particulière. Tout ce qui se présente finit par passer, comme le souffle. En ancrant notre pratique dans la respiration, nous cultivons une résilience face aux fluctuations de la vie, car nous comprenons que tout suit le même cycle de création, de croissance et de disparition.
Les postures et l’impermanence des émotions
Les postures (asanas) de l’Ashtanga peuvent aussi évoquer diverses émotions. Certaines postures nous rendent confiants, d’autres nous mettent face à nos peurs ou à nos frustrations. Avec l’impermanence en toile de fond, l’Ashtanga nous encourage à observer ces émotions, sans s’y attacher ni se laisser dominer. La posture du jour sera différente demain, et l’émotion ressentie aussi.
Apprendre à voir les émotions comme des visiteurs temporaires permet de se détacher des ressentis immédiats. L’Ashtanga enseigne que chaque émotion, qu’elle soit positive ou négative, est passagère. Cette leçon sur le tapis se transpose dans la vie quotidienne : nous comprenons que les moments de joie, de tristesse, de succès ou d’échec ne sont jamais définitifs.
Anitya dans les huit branches de l’Ashtanga Yoga
L’Ashtanga Yoga suit les huit branches du yoga décrites par Patanjali dans les Yoga Sutras, chaque étape nous guidant vers une compréhension plus profonde de la réalité, y compris l’impermanence.
Yamas et Niyamas : Ces principes éthiques de conduite, comme Ahimsa (non-violence) ou Satya (vérité), nous encouragent à vivre en harmonie avec l’impermanence. En pratiquant Aparigraha (non-attachement), nous apprenons à ne pas nous accrocher aux biens matériels ou aux relations, nous préparant ainsi à accepter les changements inévitables.
Asana : La pratique physique de l’Ashtanga, comme vu précédemment, nous confronte quotidiennement aux changements corporels. L’Asana nous montre que la force, la souplesse et même la résistance à la douleur sont éphémères, soulignant le besoin d’humilité et de patience.
Pranayama : Le contrôle du souffle est une leçon directe d’impermanence. En observant chaque inspiration et expiration, nous prenons conscience que chaque souffle est unique et que le moment présent ne se répétera jamais. Cela nous ancre dans l’instant et nous apprend à apprécier chaque souffle.
Pratyahara : Le retrait des sens nous aide à nous détacher des stimuli externes qui nourrissent souvent l’attachement et les désirs. En réduisant notre dépendance aux expériences sensorielles, nous cultivons un espace intérieur où la tranquillité nous prépare à accepter le changement.
Dharana et Dhyana : La concentration (Dharana) et la méditation (Dhyana) nous invitent à poser un regard détaché sur nos pensées. Par cette observation, nous comprenons que les pensées aussi sont passagères, et nous libérons notre esprit de l’illusion de la permanence.
Samadhi : Le but ultime du yoga, Samadhi, est un état de conscience où l’on transcende l’ego et la dualité. Dans cet état, la notion d’impermanence perd son emprise car l’on atteint un espace de pure présence, au-delà des fluctuations du mental.
L’Ashtanga et l’acceptation des cycles de la vie
En pratiquant l’Ashtanga, nous apprenons à voir chaque posture, chaque souffle, chaque moment comme un fragment d’un grand cycle. Les saisons changent, le corps vieillit, les expériences s’accumulent. En intégrant Anitya, nous nous libérons du désir de tout figer dans le temps, et nous acceptons la vie telle qu’elle est.
Accepter l’impermanence ne signifie pas renoncer à ses rêves ou à ses aspirations, mais comprendre qu’ils évolueront avec le temps. Ce qui nous passionne aujourd’hui peut changer demain, et l’Ashtanga nous prépare à cette réalité avec grâce et souplesse.
Conclusion : L’Ashtanga, un chemin vers la sérénité au sein du changement
Le concept d’Anitya est une invitation à vivre dans le présent et à apprécier chaque instant pour ce qu’il est. L’Ashtanga nous donne les outils pour intégrer cette vérité dans notre quotidien. En acceptant l’impermanence, nous apprenons à ne pas nous attacher aux résultats, à lâcher prise et à accueillir les transformations avec sérénité.
En embrassant le changement, nous cultivons un esprit souple et un cœur ouvert, prêts à naviguer dans les vagues de la vie. Ainsi, la pratique de l’Ashtanga devient bien plus qu’un exercice physique : elle devient un moyen de nous relier à la nature éphémère de la réalité et de nous préparer à accepter la vie dans toute sa beauté transitoire.